Maladies à corps de Lewy diffus: 5 questions au Pr Frédéric Blanc

Les actualités 2017-2018 sur la démence à corps de Lewy par le Pr Frédéric Blanc, neurologue et gériatre au CMRR de Strasbourg

Le Pr Frédéric Blanc, gériatre et neurologue, est coordonnateur du CM2R des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg. Il exerce dans le pôle de Gériatrie et est membre du laboratoire ICube. Le Pr Blanc est spécialiste de la maladie à corps de Lewy et de la maladie d’Alzheimer.

Quelles sont les actualités 2017-2018 sur la démence à corps de Lewy ?

Plusieurs actualités: d’abord les nouveaux critères de la maladie à corps de Lewy (MCL) de McKeith et collaborateurs, publiés dans Neurology en 2017. Sur le plan clinique, ces critères soulignent que des fluctuations de vigilance s’associent aux fluctuations cognitives. Les troubles du comportement en sommeil paradoxal font désormais partie des critères principaux, au même titre que le syndrome parkinsonien, les hallucinations et les fluctuations.  Un syndrome parkinsonien même partiel (akinésie ou rigidité isolées) doit être retenu comme validant le critère principal.

Ensuite, la recherche de facteurs de risque génétique avec une étude d’association pangénomique (GWAS) consacrée à la MCL, publiée dans le Lancet Neurology en 2018 (Guerreiro et al.) L’étude montre que des polymorphismes sur trois gènes constituent un facteur de risque de MCL. Ces trois gènes sont APOESNCA et GBA.

Enfin, la question de l’évolution de la MCL a été éclaircie. Dans nos propres travaux (Blanc et al., Alz Res Ther, 2017) nous avons montré que le déclin cognitif de la MCL est parallèle à la maladie d’Alzheimer (MA) au stade de démence; par contre le déclin est beaucoup plus rapide dans l’association MA et MCL. De même, le groupe E-DLB a montré que la présence de biomarqueurs de la MA chez les patients MCL est associé à une plus grande baisse cognitive (Abdelnour et al., Mov Dis, 2016)

Quel est l’impact du déremboursement des inhibiteurs de l’acétylcholinestérase pour les maladies à corps de Lewy ?

C’est une très très mauvaise nouvelle pour les patients atteints MCL. Ces médicaments sont particulièrement prescrits aux patients atteints de MCL car ils sont efficaces sur les symptômes, sans doute plus que dans la MA. D’abord  ils agissent sur les troubles du comportement ; ils permettent également un gain cognitif (Stinton et al., Am J Psychiatry, 2015; Knight et al., Dement Geriatr Cogn Disord, 2018). Ce traitement symptomatique est une arme majeure dont nous ne pouvons pas nous passer. Conscients des effets secondaires des inhibiteurs, notamment des effets secondaires cardiologiques ou digestifs, les médecins spécialistes de la cognition s’occupant de patients atteints de MCL prescrivent de façon raisonnable ces médicaments et prennent en compte la balance bénéfices-risques. Enfin les patients atteints par cette maladie ont une sensibilité accrue aux psychotropes, notamment aux neuroleptiques et antipsychotiques. Or le déremboursement du donépézil et de la rivastigmine risque d’entrainer une augmentation de la prescription de neuroleptiques, antipsychotiques et d’autres psychotropes pour contrôler les hallucinations ou les troubles du comportement.

Ainsi l’arrêt du remboursement de médicaments efficaces au niveau symptomatique dans la MCL pourrait être à l’origine d’une augmentation du handicap, de la dépendance et des décès, par défaut d’accès au donépézil et à la rivastigmine, mais aussi par la surprescription compensatrice des antipsychotiques et neuroleptiques.

Les critères diagnostiques sont spécifiques mais leur sensibilité reste insuffisante. Comment améliorer le diagnostic des maladies à corps de Lewy en consultation mémoire ?

Le seul moyen est d’améliorer sa pratique clinique en cherchant systématiquement pour tout patient venant pour un trouble cognitif l’ensemble des symptômes principaux de la MCL: les fluctuations cognitives et de vigilance, les troubles du comportement en sommeil paradoxal, les hallucinations visuelles, et le syndrome parkinsonien.

Peut-on diagnostiquer la MCL au stade prodromal ?

Oui bien sûr, globalement pour l’instant on utilise les critères de McKeith, à la différence que le critère de démence n’est pas validé car il s’agit d’un trouble cognitif léger. Cependant, les premiers vrais critères de stade prodromal vont arriver en 2019. Je ne manquerai pas de vous en parler.

Où en est la recherche thérapeutiques sur la démence à corps de Lewy ?

La recherche thérapeutique se réveille depuis deux ans et c’est une très bonne nouvelle. Très récemment le protocole Axovant avec le RVT-101 s’est avéré négatif mais a permis de démontrer qu’il était possible de mener un tel essai thérapeutique au niveau international. Récemment, nos collègues japonais ont montré l’intérêt du Zonisamide en plus de la Levodopa pour le traitement du syndrome parkinsonien dans la MCL. Enfin, vient de débuter dans le monde et en France l’essai thérapeutique Delphia des laboratoires Eisai. Il s’agit d’un inhibteur de la phosphodiestérase à visée centrale, qui a pour but d’augmenter le GMPc au niveau neuronal et de majorer “l’énergie” neuronale au niveau cérébral. Résultats attendus en 2019.